Interview de Franz Fayot dans Paperjam

"Tout le gouvernement soutient Google"

Interview: Paperjam (Nicolas Léonard)

Paperjam: Tant Google que les autorités nationales et locales ont été très discrètes ces derniers mois sur les développements du projet d'installation d'un data center à Bissen. Où en est-on concrètement, alors que le PAP sera examiné jeudi au conseil communal?

Franz Fayot: On constate dans les échanges entre toutes les parties – Google, le gouvernement, les responsables communaux – que les préoccupations formulées par les habitants lors de la réunion de novembre 2019 sont prises très au sérieux. On a donc vu le projet évoluer, voire avancer sérieusement, surtout au cours des derniers mois, dans le sens d'une prise en compte des considérations environnementales, mais aussi de la qualité de vie sur place. Des habitants de Bissen s'inquiétaient du bruit, du trafic, voire d'une éventuelle pollution lumineuse pendant la nuit quand le site sera éclairé. Tout cela a été entendu et pris en compte, selon Google. C'est un signal très positif. Mais je tiens à rappeler que Google n'a pas encore notifié pour de bon sa volonté de s'implanter sur les terrains qu'ils ont acquis à Bissen.

Paperjam: Quels sont les points principaux qui ont évolué?

Franz Fayot: La consommation d'eau pour refroidir l'installation était un point sensible. Suite aux échanges entre Google, le ministère de l'Économie, mais aussi le ministère d'État, le dossier va, selon moi, dans son ensemble, dans le bon sens en ce qui concerne l'origine de l'eau pour alimenter le circuit de refroidissement du data center. L'option de capter l'eau dans l'Attert est une possibilité qui a déjà été écartée… La consommation électrique a aussi été revue, et les nouvelles technologies permettent de la faire sans cesse diminuer.

Paperjam: Il y a eu 170 remarques formulées dans le cadre de l'enquête publique: ce n'est pas rien…

Franz Fayot: Ce n'est pas rien, en effet. Mais cela a permis de voir où étaient les objections les plus fréquentes au projet, et d'affiner par la suite les analyses pour trouver d'autres options.

Paperjam: Le projet a évolué: quels sont les nouveaux chiffres quant à la taille, la consommation d'eau, d'électricité…?

Franz Fayot: Ni les détails de la conception ni ceux de la performance finale du data center ne sont encore définitivement arrêtés. Par conséquent, ces chiffres ou d'autres détails n'ont pas encore été communiqués. Mais je répète que l'entreprise a été très attentive aux remarques formulées par toutes les parties.

Paperjam: Quand ces données techniques seront-elles connues?

Franz Fayot: Le moment venu, nous analyserons, avec les autorités compétentes, quels facteurs seront à évaluer en ce qui concerne les incidences du projet sur l'environnement, et quel sera alors le niveau de détail des informations à fournir par Google. Cette évaluation des incidences sur l'environnement précède le dossier commodo-incommodo. Ce n'est qu'au moment où Google introduira sa demande d'autorisation d'exploitation que les données définitives seront connues pour tout le monde. Ce sont en fin de compte l'Inspection du travail et des mines et l'Administration de l'environnement qui se prononcent définitivement sur les conditions d'aménagement et d'exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection de l'environnement et pour garantir la sécurité du voisinage en général. Comme pour d'autres projets d'envergure, le ministère de l'Économie joue tout au long de la procédure le rôle de facilitateur entre l'entreprise et les autorités compétentes.

Paperjam: Le dossier Google est-il susceptible de faire naître des tensions au sein du gouvernement?

Franz Fayot: Je vais être transparent: il y a un engagement clair et sans équivoque du gouvernement, de tout le gouvernement, en faveur de l'installation d'un data center de Google à Bissen construit selon les technologies à la pointe du progrès. Et cela pour différentes raisons. Tout d'abord, c'est une nouvelle pierre à l'édifice de l'écosystème des TIC (technologies de l'information et de la communication, ndlr) que nous avons développé pendant les dernières années au Luxembourg. Mais un tel data center représente bien plus qu'un investissement majeur dans le secteur des TIC, c'est un projet stratégique qui s'inscrit dans les efforts de diversification économique qui cible les TIC comme secteur prioritaire. Le projet s'inscrit en particulier dans notre stratégie d'innovation pour faire évoluer au Luxembourg une économie basée sur l'analyse et le traitement de données. Le projet Google est également en phase avec les recommandations de l'étude Rifkin, qui préconise une industrie durable, 4.0…

Paperjam: Affirmer que tout le gouvernement est à 100% en faveur du projet, c'est une manière de mettre un peu de pression sur l'administration qui va traiter le dossier final et rendre un avis?

Franz Fayot: Le projet Google, comme tout autre projet économique, doit respecter les règles et les différentes obligations dans le domaine environnemental, à tous les niveaux. Cette entreprise n'est pas logée à meilleure enseigne qu'une autre. Non, on ne met la pression sur personne. Mais il est un fait que tout le monde s'est prononcé en faveur de ce projet, en ce compris les membres du parti des Verts. C'est logique: si on a beaucoup dit que le projet Fage était non conforme à Rifkin, celui-ci l'est à 100%. On est vraiment dans l'esprit de la troisième révolution industrielle. Avec, je le répète, une vraie prise de conscience, de la part de l'entreprise, des aspects liés à la durabilité. Google est une entreprise connue partout dans le monde pour des data centers à zéro émission carbone.

Paperjam: Les ambitions sont grandes pour la zone de Bissen?

Franz Fayot: Cela deviendra peut-être la Silicon Valley du Luxembourg… le data center de Google serait complémentaire et cohérent par rapport aux autres initiatives et activités déjà établies sur ce site ou y envisagées dans le futur par le gouvernement: l'Automobility Campus, le superordinateur Meluxina dans le cadre de l'initiative européenne HPC ('high performance computing'), le data center de Luxconnect, Kiowatt, qui est spécialisé dans la trigénération biomasse de grande capacité… Le projet Google sera totalement au centre de notre stratégie d'une 'data-driven economy'. Et Google va sans doute être aussi un aimant qui va attirer d'autres entreprises sur ce site technologique.

Paperjam: Ce projet Google est-il aussi symboliquement important? Sa réussite est-elle décisive après l'échec de Fage?

Franz Fayot: Un échec serait sans doute déprimant, oui. Avant cela, il y a eu Fage, il y a eu Knauf... Si Google réussit, ce sera un signal fort, une manière de dire que, oui, on peut encore mener des projets d'envergure au Luxembourg.

Paperjam: Quand le dossier pourra-t-il être définitivement bouclé?

Franz Fayot: C'est encore un peu dans les étoiles, très difficile à dire. Il y a des étapes administratives à franchir, mais aussi un important travail préparatoire, qui a été réalisé par Google.

Paperjam: La durée de la phase administrative aura été très longue, à nouveau?

Franz Fayot: Mais tout n'est pas à reprocher à l'administration non plus; Google a aussi voulu aller à son rythme. L'entreprise savait qu'il fallait trouver d'abord un site. Notamment au vu de sa proximité par rapport aux lignes de haute tension électrique déjà présentes, Bissen constitue le site idéal pour déployer de tels projets. Un premier propriétaire qui possédait beaucoup de parcelles avait refusé de vendre ses terrains, il a fallu ensuite utiliser aussi le remembrement. Ce qui a demandé du temps. L'acquisition des terrains et les négociations avec les propriétaires qui ont précédé ont demandé le plus de temps. Mais Google anticipe très à l'avance ses besoins en data center et en capacité de stockage, l'entreprise développe toujours plusieurs scénarios pour un projet… Google savait que Bissen ne se ferait pas en deux ans.

Paperjam: Mais il faut tout de même réduire les procédures de manière générale?

Franz Fayot: Évidemment, et c'est pour cela que nous travaillons sur la plateforme Invest Luxembourg. Il faut une concertation interministérielle pour accélérer les procédures sur des projets industriels, mais aussi d'infrastructure. Nous devons continuer à prospecter, à chercher de nouveaux projets, car je suis convaincu que nous avons besoin de l'industrie. Mais on doit pouvoir se poser dès le départ toutes les bonnes questions."

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