Étienne Schneide au sujet de l'économie luxembourgeoise

"Le Luxembourg a l'ambition de se positionner comme 'International Trusted Center'"

"écho des entreprises": Avec le développement du secteur de la logistique, le gouvernement vise entre autres la création d'emplois pour des personnes moins qualifiées. Partagez-vous l'avis des responsables du secteur que votre politique de promotion devrait être accompagnée d'une modernisation de la législation relative à l'organisation du travail pour répondre aux contraintes des entreprises et pour s'aligner aux possibilités offertes en la matière par les pays voisins?

Étienne Schneider: Afin d'assurer la compétitivité du secteur logistique luxembourgeois, il me semble fondamental de continuellement veiller à perfectionner le cadre légal, réglementaire et administratif. La logistique est un secteur d'activités qui doit, notamment, faire face à des pics d'activités ou saisonniers très marqués tout au long de l'année. De ce fait, il est important d'avoir un cadre d'affaires cohérent et répondant aux spécificités du secteur. Cette question devrait être ouvertement discutée avec les partenaires sociaux.

"écho des entreprises": En 2004 votre prédécesseur Jeannot Krecké a lancé l'idée de faire du Luxembourg un centre d'excellence en matière de biotech et healthtech. Peut-on déjà parler de premiers succès et quelles sont les perspectives?

Étienne Schneider: On peut sans aucun doute parler de premiers succès. Je citerai à cet égard les performances des deux entités créées dans le contexte de cette initiative, à savoir le Luxembourg Center for Systems Biomedicine (LCSB) et la Biobanque (IBBL). Pour chaque euro de financement public direct reçu, le LCSB a réussi à lever un euro additionnel en financements tiers - subventions publiques nationales et européennes mais aussi coopérations avec l'industrie. Le LCSB a d'ailleurs déjà essaimé deux start-ups, dont une est financée par le fonds capital à risque Advent dans lequel l'Etat a également investi. L'IBBL pour sa part a très rapidement étendu son rayon d'action au-delà des frontières luxembourgeoises. En 2012 elle a été, entre autres, choisie pour deux grandes études cliniques internationales: l'organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer (EOPTC) en vue du stockage de plus de 52.000 échantillons; et un projet du programme commun de recherche sur les maladies neurodégénératives (« Joint Programme in Neurodegenerative Disease Research ») pour lequel l'IBBL stocke les échantillons et fournit la plateforme informatique. Globalement cela a augmenté la visibilité du Luxembourg à l'international dans le domaine des sciences de la vie - l'intérêt porté par les médias mais aussi et surtout l'intérêt croissant de l'industrie biotech et pharma en témoignent. Les perspectives sont donc bonnes et avec l'achèvement du House of BioHealth nous devrions passer à la vitesse supérieure. A cet effet, il est d’autant plus important de revoir notre arsenal d'aides publiques et d'évaluer le cadre réglementaire à la lumière des besoins et des particularités de ces nouveaux créneaux d'activité: biotech, cleantech et TIC.

"écho des entreprises": Pour attirer de nouveaux investisseurs au Luxembourg, il est indispensable d'offrir des surfaces dans des zones d'activités. Quand est-ce que vous avez l'intention de publier le plan sectoriel sur les zones d'activités?

Étienne Schneider: Tout d'abord, je tiens à préciser que depuis la fin des années 70, le ministère de l'Economie dispose avec les zones d'activités économiques à caractère national d'une réserve foncière permettant d'accueillir de nouveaux investisseurs, notamment de type industriel, au Grand-Duché. Le plan sectoriel zones d'activités économiques assurera la disponibilité de terrains industriels à longue échéance, mais surtout il renforcera l'offre foncière en faveur des activités artisanales, prioritairement par l'extension et la création de nouvelles zones d'activités régionales. Ce type de zones est d'ailleurs aussi ouvert à des relocalisations d'activités déjà existantes et, dans une moindre mesure, des activités commerciales et administratives. Le gouvernement s'est penché de façon très intensive sur les quatre plans sectoriels dont celui sur les zones d'activité économique pendant une retraite début avril. Les ministères et groupes de travail concernés sont maintenant chargés de régler les derniers détails qui s'imposent suite aux décisions prises à cette occasion. Le timing prévoit une présentation à la Chambre des députés pour le 21 mai. A l'issue de cette présentation, nous allons informer les collèges des bourgmestre et échevins des communes concernées avant de lancer en juin officiellement la procédure d'adoption des quatre plans sectoriels telle que prévue par la loi. A partir de ce moment-là, une enquête publique aura lieu pendant laquelle les conseils communaux ainsi que les citoyens des communes concernées seront informés et auront le droit d'émettre des observations au sujet des quatre plans sectoriels. Les règlements grand-ducaux y afférents devraient entrer en vigueur dans deux ans.

"écho des entreprises": Pour remédier aux désavantages compétitifs dont souffre l'industrie européenne suite aux politiques énergétique et climatique, vous préconisez une approche Plutôt protectionniste. Cette approche ne risque-t-elle pas de déplacer le problème vers les secteurs en aval, voire de déclencher des contre-mesures tarifaires de la part des partenaires commerciaux de l'UE?

Étienne Schneider: Tout d'abord j'aimerais préciser qu'en principe je ne suis pas pour une politique protectionniste. Entant que petite économie ouverte, le Luxembourg n'a rien à y gagner. Or, on ne peut pas faire autrement que de réfléchir sur le fait que, d'un côté les standards environnementaux et sociaux que nous appliquons à nos entreprises ici en Europe sont très élevés - ce que je ne conteste aucunement. Or, de l'autre côté, les entreprises hors UE produisent selon des conditions tout à fait différentes et les marchandises ainsi fabriquées sont importées en UE où elles sont vendues souvent à des prix moins chers. Je suis pour le maintien de nos standards élevés, mais aussi pour que l'Europe se donne une politique proactive en la matière, sachant qu'un problème de level playing field se pose au niveau international. Regardez les Etats-Unis: lorsqu'ils estiment nécessaire et important de protéger temporairement un pan de leur industrie, ils prennent les mesures qui s'imposent et cette façon de faire n'a pas encore déclenché de guerre commerciale internationale.

"écho des entreprises": N'existe-t-il pas une lueur d'espoir d'assister à un réagencement des politiques précitées de façon à offrir aux industries intensives en énergie au Luxembourg et en Europe la perspective de retrouver leur compétitivité?

Étienne Schneider: Si vous faites allusion à des méthodes de génération d'énergie telles que l'exploitation du gaz de schiste je vous réponds que le gouvernement ne prévoit pas de réorienter la politique énergétique en ce sens. Il est clair que les Etats-Unis, qui pratiquent l'exploitation du gaz de schiste depuis des années, ont un avantage structurel au niveau des prix de l'énergie relativement plus bas que ceux pratiqués en Europe. Et même au sein de l'Union européenne il y a, des gouvernements qui penchent plutôt en faveur de permettre l'exploitation du gaz de schiste afin d'accéder à de l'énergie moins chère. Mais ce n'est pas une option pour le Luxembourg. Nous devons continuer à travailler sur le prix de l'énergie même si je ne me fais pas trop d'illusions sur son évolution pendant les dix prochaines années. Parallèlement, je pense que nous devons continuer à investir dan les énergies renouvelables pour inverser la situation et en faire notre avantage compétitif à long terme.

"écho des entreprises": De nombreux pays en Europe veulent se positionner en tant que centre d'excellence en matière d'ICT. Quels sont les arguments du Luxembourg pour se démarquer de ses concurrents et attirer les entreprises de ce secteur?

Étienne Schneider: Le Luxembourg a l'ambition de se positionner comme "International Trusted Center" pour les domaines des TIC, des médias et de l’e-business. A côté d'un cadre légal et réglementaire favorable au développement des TIC et des instruments de financement adaptés répondant aux besoins des entreprises, le gouvernement a mis un accent particulier sur la mise en place d'une infrastructure de qualité comme un des principaux facteurs d'attractivité du Luxembourg. Ainsi, des investissements conséquents ont été réalisés par l'Etat et par des acteurs privés pour mettre en place un réseau international de connectivité sans précédent avec des temps de latence très bas. Nos data centres sont relativement récents et dotés d'équipements les plus modernes offrant des niveaux de sécurité variables en fonction des besoins des entreprises. Afin de se démarquer de la concurrence internationale, nos data centres suivent le "green agenda" en misant sur un approvisionnement en énergie verte, des méthodes de refroidissement naturel et la redistribution de chaleur de cogénération. Finalement nous avons établi, ensemble avec la POST, la stratégie ultra-haut débit qui vise à doter l'ensemble du pays de la fibre optique.

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