"Nous avons les instruments, reste à faire la musique"

Interview de Lex Delles dans le Quotidien.

Interview: Le Quotidien (Genviève Montaigu)

Le Quotidien: Finalement, vous avez accepté un poste au gouvernement que vous aviez refusé en 2015 lors du départ de Maggy Nagel. Pourquoi maintenant?

Lex Delles: Il y a trois ans, ce n'était pas le bon moment. J'étais tout jeune bourgmestre de Mondorf-les-Bains succédant à Maggy Nagel, entrée au gouvernement en 2013, et il s'agissait de reprendre un poste ministériel qui n'était pas ma priorité à l'époque. Cette fois-ci, pendant les discussions de la coalition, c'était différent. Je désirais m'occuper du Tourisme et des Classes moyennes, j'ai finalement hérité de ces deux portefeuilles et j'étais comblé.

Le Quotidien: Pourquoi vouloir absolument ces deux portefeuilles?

Lex Delles: D'abord parce qu'il y a encore beaucoup de travail à faire dans ces deux domaines et personnellement, ayant été bourgmestre de Mondorf-les-Bains, le tourisme est une matière que je connais bien dans tous ces aspects. J'étais membre de l'Office régional du tourisme (ORT), de l'Entente touristique de la Moselle, proche de tous les acteurs dont Mondorf faisait partie pour l'est du pays. Nous avions le plus grand nombre de nuitées dans tout l'ORT Miselerland et nous avons beaucoup investi dans le tourisme ces dernières années dans la commune de Mondorf-les-Bains. Mais il y a toujours des aspects à améliorer dans le tourisme même si beaucoup de structures ont été mises en place ces cinq dernières années comme Luxembourg for Tourism, les cinq ORT ou encore le Luxembourg Convention Bureau. Nous avons les instruments, reste à faire la musique.

Le Quotidien: De nombreux acteurs évoluent sur la scène touristique qui dépendent pour beaucoup des classes moyennes. Comment allez-vous écrire votre partition?

Lex Delles: Nous avons aussi beaucoup de bénévoles, les syndicats d'initiative, tout l'Horesca, les auberges de jeunesses, les exploitants de gîtes et il ne faut pas oublier le commerce qui est aussi un attrait touristique, ce qui explique que le Tourisme et les Classes moyennes sont très liés. Imaginez-vous partir en vacances et trouver des commerces fermés ou pas de magasins du tout!

Le Quotidien: Si on prend l'exemple de Mondorf-les-Bains, les commerces sont pour beaucoup des agences d'intérim, des agences immobilières, des coiffeurs, ce n'est pas très attractif...

Lex Delles : Une offre variée de commerces est très importante pour assurer aux consommateurs un certain choix. Nous sommes actuellement en train d'élaborer un cadastre des commerces en partenariat avec la Confédération luxembourgeoise du commerce (clc) et les communes pour justement analyser les problèmes que nous avons à ce niveau. La commune joue un rôle important dans cette stratégie, car le commerce est aussi très lié à la qualité de vie des habitants.

Le Quotidien: Expliquez-nous en quoi consiste le cadastre des commerces et comment allez-vous utiliser cet outil?

Lex Delles: Il y a actuellement trois communes qui participent à ce projet et nous repérons déjà des commerces qui sont vides puis nous voyons ce qu'on pourrait en faire, c'est-à-dire comment la commune pourrait stratégiquement faire quelque chose pour attirer des commerces.

Le Quotidien: L'Horesca conne dés problèmes de recrutement et le gouverne ment aurait comme projet de créer une école hôtelière au château de Schengen. Cela suffira-t-il à résoudre ses problèmes?

Lex Delles: Nous avons une école hôtelière au Luxembourg qui a connu des adaptations au niveau des formations. Le projet de Schengen avait été annoncé avant les élections, mais il s'agit aussi d'un projet culturel, un véritable patrimoine avec une histoire importante pour le Luxembourg. Puis il y a eu des discussions au ministère du Travail sur la réalisation d'une école pour suivre une formation de base. Le projet n'est pas encore assez avancé pour en parler davantage. Cela étant dit, nous devons trouver des pistes avec l'Horesca pour surmonter ce problème de recrutement de personnels qualifiés.

Le Quotidien: Le congé parental n'aggrave-t-il pas encore davantage ce problème?

Lex Delles: Nous ne pouvons pas opposer ces deux choses. Le congé parental ou les jours de congé supplémentaires ne facilitent pas le quotidien du secteur de l'Horeca, mais concilier vie privée et vie professionnelle est aussi très important. Il s'agirait aussi de faire des efforts pour rendre ces métiers plus attractifs. Le congé parental touche tous les secteurs des Classes moyennes et il faudra trouver des solutions équilibrées. C'est vrai que beaucoup de papas ont pu profiter de ces congés parentaux et c'est important.

Le Quotidien: Un autre problème des Classes moyennes, c'est le manque de zones d'activités où les places sont chères...

Lex Delles: Il s'agit ici d'une compétence partagée entre le ministère de l'Économie et le ministère des Classes moyennes. Il faudra travailler sur trois niveaux et nous avons déjà le plan sectoriel "zones d'activité économiques" qui doit être mis en place et nous savons que cela prendra un peu de temps. Pour le court terme, je souhaiterais analyser les possibilités d'occuper des bâtiments vides ou en voie de l'être bientôt pour faire un listing. Il y a des bâtiments vides et des artisans qui cherchent à s'installer, nous allons donc faire en sorte de leur proposer ce qui existe déjà. C'est une réponse rapide. D'un autre côté, il y a la créa-fion de zones et des discussions à mener avec leurs responsables car il faut désormais des places de parking en nombre Suffisant. Nous devons voir avec les responsables communaux comment densifier les zones existantes.

Le Quotidien: On parle évidemment beaucoup de digitalisation dans le domaine des Classes moyennes et différents instruments existent déjà. Que comptez-vous faire pour le tourisme en matière de digitalisation?

Lex Delles: Il y a encore du pain sur la planche dans ce secteur. Pour les prochaines années, il y a l'élaboration d'une application où le touriste peut tout trouver avec une seule application. Il pourra voir tout ce qui existe en matière d'hôtellerie, auberges de jeunesse, gîtes en un seul clic. Il pourra faire des réservations avec cette même application et passer en revue le tourisme actif avec les randonnées pédestres et le cyclotourisme qui est ma priorité. Nous avons des infrastructures pour les vélos, mais il faut trouver un moyen de faire travailler les ministères plus étroitement ensemble. Nous avons, par exemple, des projets au ministère des infrastructures qui ne, sont pas du tout suivis par le ministère du Tourisme. Nous allons engager une personne qui ne s'occupera que du cyclotourisme et qui fera le lien entre les différents ministères. Le ministère du Tourisme peut subventionner à hauteur de 50 % les pistes communales qui se rattachent au réseau national. C'est bon pour la mobilité douce et le tourisme.

Le Quotidien: Le Luxembourg est-il bien en retard dans ce domaine?

Lex Delles: Disons que pour les circuits pédestres, ils sont disponibles sur le site Geoportail.lu c'est très bien fait, mais comment expliquer au- touriste d'aller voir sur ce site. Difficile. Tout sera plus simple avec une seule application avec une géolocalisation.

Le Quotidien: Il faudra aussi digitaliser au sein même de votre ministère...

Lex Delles: Oui, tout à fait, comme toutes les administrations. Le ministère de la Digitalisation est une bonne chose pour accompagner les projets pour I ‘Etat et d'autres secteurs.

Le Quotidien: Peut-on déjà tirer un premier bilan de letzshop.lu, le commerce en ligne?

Lex Delles: C'est encore un peu tôt pour donner des chiffres. Nous avons vu cependant dans les chiffres que pour la période de Noël il y avait une forte augmentation des visites et des ventes. Cela a été installé en septembre dernier, il faudra désormais se pencher sur le marketing. Il y a la vente en ligne et la digitalisation du secteur puis la visibilité.

Le Quotidien: Votre gros dossier de cette année concerne la libéralisation des heures d'ouverture des commerces. Êtes-vous plutôt confiant?

Lex Delles: Je fais faire un tour de table avec tous les acteurs concernés, les syndicats bien sûr, mais aussi la Chambre de commerce, la clc, la Chambre des métiers, la Fédération des artisans... Je rappelle, comme à chaque occasion, que nous disposons depuis un an d'un jugement de la cour administrative qui a donné raison à un boulanger qui voulait ouvrir ses portes plus tôt, avant 6 h, comme une station-service voisine. Je trouve inadmissible que le ministre des Classes moyennes doive donner des dérogations. Il faut adapter la législation, mais je n'ai pas la solution miracle. Nous devons réunir tous les acteurs autour d'une table et voir leurs attentes aussi bien celles des salariés que celles des artisans et des commerçants.

Le Quotidien: Comment imaginer cette loi cadre?

Lex Delles: Elle sera liée bien sûr au droit du travail. J'insiste pour dire que, cette année, je vais faire les consultations et je légiférerai en 2020. C'est au politique de prendre une décision.

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